Numéro d’inventaire
Numéro principal : MI 1088
Collection
Artiste / Auteur / Ecole / Centre artistique
Le Nain, Louis
(Laon, vers 1593 - Paris, 23/05/1648)
France École de
Le Nain, Antoine (Laon, 1600 à 1610 - Paris, 1648), ?
France École de
Le Nain, Antoine (Laon, 1600 à 1610 - Paris, 1648), ?
description
Dénomination / Titre
Titre : Repas de paysans
Description / Décor
Inscriptions
Signature :
S.D.b.g.: "Lenain fecit an. 1642"
S.D.b.g.: "Lenain fecit an. 1642"
Caractéristiques matérielles
Dimensions
Hauteur : 0,97 m ; Hauteur avec accessoire : 1,285 m ; Largeur : 1,22 m ; Largeur avec accessoire : 1,555 m
Matière et technique
huile sur toile
Lieux et dates
Date de création / fabrication
2e quart du XVIIe siècle (1642)
Données historiques
Historique de l'œuvre
Historique
Dr Louis La Caze (1798-1869), cité en 1860 ; legs de ce dernier, 1869 (Cat. Reiset, no 227 : Le Nain).
mentaire
La spiritualité du Repas de paysans a frappé les esprits dès la réapparition de l’oeuvre, dans la collection La Caze, en 1860. Théophile Thoré, le redécouvreur de Vermeer, est le premier à publier le Repas de paysans, alors que le tableau est présenté pour la première fois au public lors de l’exposition du boulevard des Italiens : « Au contraire, les Buveurs de Lenain, appartenant à M. Lacaze, sont très remarqués […] Le tableau de Lacaze devrait être intitulé l’Hospitalité, car il se passe dans cet intérieur rustique je ne sais quelle scène d’aumône fraternelle et religieuse : on dirait que ces Lenain ont interprété à leur façon l’épisode biblique où le
Christ distribue le pain et le vin, et par là ils font encore penser à Rembrandt qui traduisait la Bible sous l’apparence de pauvres hollandais […] La gravité et la simplicité des attitudes, la sobriété des gestes, une certaine mélancolie dans les têtes, la franchise de l’exécution par larges plans, avec une gamme de couleurs très restreinte, courant du gris au brun, sauf quelques rehauts de rouge, tout dans cette peinture, de même que dans les autres oeuvres des Le Nain, constitue une singulière anomalie au milieu de l’art pompeux et théâtral du xviie siècle » (Thoré, 1860, p. 263). Plus récemment, le Repas de paysans a été interprété successivement comme une Cène protestante, dans un temps de persécution (cf. Ménier, 1978), comme une vision janséniste (cf. Huysmans, 1899), comme une scène de charité chrétienne (cf. Adhémar, 1979) et comme une communion christique dans le contexte de la Réforme catholique (cf. Cornette, 1995). S’il est
impossible de trancher entre ces hypothèses contradictoires rattachant le Repas de paysans à tous les courants religieux antagonistes de l’époque, la
composition ne nous semble pas organisée selon une logique allégorique où chaque personnage, jusqu’aux enfants, pourrait faire l’objet d’une interprétation.
Le sentiment religieux nous paraît diffus, donnant une profondeur supplémentaire à une composition qui procède des pratiques habituelles des frères Le Nain : d’une part le principe d’un portrait de groupe où l’unité est extérieure, pour reprendre les termes de Riegl, c’est-à-dire orientée vers le spectateur plutôt que dérivant d’une action commune, sans narration et sans relation directe entre les personnages ; d’autre part une pratique d’atelier, faisant poser les mêmes modèles, reprenant
les mêmes animaux, les mêmes accessoires. Le personnage assis à droite figure, avec une attitude similaire, dans d’autres compositions des frères Le Nain, comme Vénus dans la forge de Vulcain du musée de Reims, et probablement aussi dans le Vieux joueur de flageolet du Detroit Institute of Arts. De la même façon, la femme apparaissant à gauche est celle-là même qui est peinte au premier plan à droite de La Charrette du Louvre (voir R.F. 258). La mise en scène est artificielle par l’incongruité même des objets représentés, qui ne pouvaient faire partie d’un même intérieur : un lit à colonnes, meuble de prix, auprès d’une simple planche posée sur un tonneau qui sert de siège au personnage buvant ; verres à pied en cristal à côté du rustique pichet de terre cuite. Ajoutons un détail : la race du petit chien au premier plan à gauche. Il s’agit vraisemblablement d’un bichon bolonais, race naine qui était très prisée par les femmes de l’aristocratie au xvie siècle puis de la bourgeoise urbaine au début du xviie siècle. Il s’agit d’une race appréciée par les femmes des couches les plus hautes de la société, ce qui donne une consonance féminine inattendue à la commande de ce tableau. Si la possession de chiens de compagnie se généralise au début du xviie siècle, elle demeure
une pratique exclusivement féminine, tolérée mais toujours moralement condamnée. Ce chien, et ceux que l’on trouve dans les autres compositions des frères Le Nain, mais aussi les enfants, sont destinés à séduire le regard du public visé par les frères Le Nain, public bien plus vaste qu’un hypothétique commanditaire dévot. La facture savante, parfois presque abstraite, comme dans l’habit du personnage assis à droite, confirme une logique de marché, où la touche doit être rapide,
virtuose, attirant l’attention de l’acheteur potentiel sur la surface de l’oeuvre, comme l’avait bien remarqué l’expert Pierre Rémy, dans le catalogue de la vente Conti de 1777 : « d’un bon effet et d’un faire savant ». Le succès du tableau est en tout cas attesté par les nombreuses copies connues : citons celle du musée des Beaux-Arts de Reims (huile sur toile ; 106,5 × 120,8 cm ; inv. D. 930,1), celle du palais-musée d’Oskantino en Russie (huile sur toile ; 109 × 129 cm), celle du comte de Wemyss à Gosford House en Écosse (huile sur toile ; 110 × 125 cm), celle de la vente Sedelmeyer en 1907 (no 221 ; huile sur toile ; 103 × 119 cm) et
celle passée en vente chez Christie’s Monaco, le 16 juin 1990, no 379 (huile sur toile ; 93 × 120 cm). Le tableau a été refixé à la cire-résine par Henri Linard en 1967, puis de nouveau par Jean-Pascal Viala puis Yves Lutet en 2000.
Dr Louis La Caze (1798-1869), cité en 1860 ; legs de ce dernier, 1869 (Cat. Reiset, no 227 : Le Nain).
mentaire
La spiritualité du Repas de paysans a frappé les esprits dès la réapparition de l’oeuvre, dans la collection La Caze, en 1860. Théophile Thoré, le redécouvreur de Vermeer, est le premier à publier le Repas de paysans, alors que le tableau est présenté pour la première fois au public lors de l’exposition du boulevard des Italiens : « Au contraire, les Buveurs de Lenain, appartenant à M. Lacaze, sont très remarqués […] Le tableau de Lacaze devrait être intitulé l’Hospitalité, car il se passe dans cet intérieur rustique je ne sais quelle scène d’aumône fraternelle et religieuse : on dirait que ces Lenain ont interprété à leur façon l’épisode biblique où le
Christ distribue le pain et le vin, et par là ils font encore penser à Rembrandt qui traduisait la Bible sous l’apparence de pauvres hollandais […] La gravité et la simplicité des attitudes, la sobriété des gestes, une certaine mélancolie dans les têtes, la franchise de l’exécution par larges plans, avec une gamme de couleurs très restreinte, courant du gris au brun, sauf quelques rehauts de rouge, tout dans cette peinture, de même que dans les autres oeuvres des Le Nain, constitue une singulière anomalie au milieu de l’art pompeux et théâtral du xviie siècle » (Thoré, 1860, p. 263). Plus récemment, le Repas de paysans a été interprété successivement comme une Cène protestante, dans un temps de persécution (cf. Ménier, 1978), comme une vision janséniste (cf. Huysmans, 1899), comme une scène de charité chrétienne (cf. Adhémar, 1979) et comme une communion christique dans le contexte de la Réforme catholique (cf. Cornette, 1995). S’il est
impossible de trancher entre ces hypothèses contradictoires rattachant le Repas de paysans à tous les courants religieux antagonistes de l’époque, la
composition ne nous semble pas organisée selon une logique allégorique où chaque personnage, jusqu’aux enfants, pourrait faire l’objet d’une interprétation.
Le sentiment religieux nous paraît diffus, donnant une profondeur supplémentaire à une composition qui procède des pratiques habituelles des frères Le Nain : d’une part le principe d’un portrait de groupe où l’unité est extérieure, pour reprendre les termes de Riegl, c’est-à-dire orientée vers le spectateur plutôt que dérivant d’une action commune, sans narration et sans relation directe entre les personnages ; d’autre part une pratique d’atelier, faisant poser les mêmes modèles, reprenant
les mêmes animaux, les mêmes accessoires. Le personnage assis à droite figure, avec une attitude similaire, dans d’autres compositions des frères Le Nain, comme Vénus dans la forge de Vulcain du musée de Reims, et probablement aussi dans le Vieux joueur de flageolet du Detroit Institute of Arts. De la même façon, la femme apparaissant à gauche est celle-là même qui est peinte au premier plan à droite de La Charrette du Louvre (voir R.F. 258). La mise en scène est artificielle par l’incongruité même des objets représentés, qui ne pouvaient faire partie d’un même intérieur : un lit à colonnes, meuble de prix, auprès d’une simple planche posée sur un tonneau qui sert de siège au personnage buvant ; verres à pied en cristal à côté du rustique pichet de terre cuite. Ajoutons un détail : la race du petit chien au premier plan à gauche. Il s’agit vraisemblablement d’un bichon bolonais, race naine qui était très prisée par les femmes de l’aristocratie au xvie siècle puis de la bourgeoise urbaine au début du xviie siècle. Il s’agit d’une race appréciée par les femmes des couches les plus hautes de la société, ce qui donne une consonance féminine inattendue à la commande de ce tableau. Si la possession de chiens de compagnie se généralise au début du xviie siècle, elle demeure
une pratique exclusivement féminine, tolérée mais toujours moralement condamnée. Ce chien, et ceux que l’on trouve dans les autres compositions des frères Le Nain, mais aussi les enfants, sont destinés à séduire le regard du public visé par les frères Le Nain, public bien plus vaste qu’un hypothétique commanditaire dévot. La facture savante, parfois presque abstraite, comme dans l’habit du personnage assis à droite, confirme une logique de marché, où la touche doit être rapide,
virtuose, attirant l’attention de l’acheteur potentiel sur la surface de l’oeuvre, comme l’avait bien remarqué l’expert Pierre Rémy, dans le catalogue de la vente Conti de 1777 : « d’un bon effet et d’un faire savant ». Le succès du tableau est en tout cas attesté par les nombreuses copies connues : citons celle du musée des Beaux-Arts de Reims (huile sur toile ; 106,5 × 120,8 cm ; inv. D. 930,1), celle du palais-musée d’Oskantino en Russie (huile sur toile ; 109 × 129 cm), celle du comte de Wemyss à Gosford House en Écosse (huile sur toile ; 110 × 125 cm), celle de la vente Sedelmeyer en 1907 (no 221 ; huile sur toile ; 103 × 119 cm) et
celle passée en vente chez Christie’s Monaco, le 16 juin 1990, no 379 (huile sur toile ; 93 × 120 cm). Le tableau a été refixé à la cire-résine par Henri Linard en 1967, puis de nouveau par Jean-Pascal Viala puis Yves Lutet en 2000.
Détenteur précédent / commanditaire / dédicataire
Dr La Caze, Louis, Donateur
Mode d’acquisition
legs
Date d’acquisition
date : 1869
Propriétaire
Etat
Affectataire
Musée du Louvre, Département des Peintures
Localisation de l'œuvre
Emplacement actuel
Sully, [Peint] Salle 912 - Georges de La Tour et Les frères Le Nain
Index
Mode d'acquisition
Bibliographie
- Bouhours, Jean-Michel (dir.), L'argent dans l’art, cat. exp. (Paris (Externe, France), Musée de la Monnaie, 2023), Paris, Monnaie de Paris ; In Fine, 2023, p. 76-77, ill. coul., cat. 44
- Milovanovic, Nicolas, Peintures françaises du XVIIe du musée du Louvre, Editions Gallimard / Musée du Louvre Editions, 2021, p. 125-126, ill.coul., n°268
- Piralla-Heng Vong, Luc ; Milovanovic, Nicolas (dir.), Le mystère Le Nain, cat. exp. (Lens, musée du Louvre-Lens, 22 mars - 26 juin 2017), Paris, LIENART/ Louvre-Lens, 2017, p. 170-173, cat. 17
- Milovanovic, Nicolas, Louis Le Nain, La Forge, Paris, Louvre éditions/ Somogy, (Solo, 66), 2017, p. 21, 24, 28, 40, fig. 10 (coul.)
- Salomon, Xavier F., « The Brothers Le Nain. Forth Worth and San Francisco », The Burlington Magazine, 158, 2016, août, p. 675-677, p. 676, n° 37
- Franck, Louis ; Malgouyres, Philippe (dir.), La fabrique des saintes images. Rome-Paris, 1580-1660, cat. exp. (Paris, musée du Louvre, du 2 avril au 29 juin 2015), Paris, Louvre éditions/Somogy éditions d'art, 2015, p. 7, 267, cat. 85
- Cézanne and the past Tradition and Creativity, cat. exp. (Budapest, Szépmüvészti Múzeum/Museum of Fine Arts, du 25 octobre 2012 au 17 février 2013), Budapest, Dr. Lázló Baán/Szépmüvészti Múzeum, 2012, p. 77, 521, coul, p. 77, n° 39
- Merlini, Valeria; Salmon, Dimitri; Storti, Daniela (dir.), Georges de La Tour à Milan: L'Adoration des bergers, Saint Joseph charpentier, cat. exp. (Milan, Palazzo Marino, 26 novembre 2011 - 8 janvier 2012), Milan, Skira, 2011, p. 115, fig. 124, p. 116
- La Collection La Caze. Chefs d'oeuvre des peintures des XVIIe et XVIIIe siècles, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, 26 avril - 9 juillet 2007; Pau, musée des Beaux-Arts, 20 septembre - 10 décembre 2007; Londres, Wallace Collection, Hertford House, du 14 février au 18 mai 2008), Paris, Musée du Louvre éditions/Hazan, 2007, p. 25, 58-59, 134, 189, ill. coul., fig. 26
- Faroult, Guillaume (dir.), La Caze. Catalogue de la collection [cédérom joint au catalogue de l'exposition La Collection La Caze. Chefs d'oeuvre des peintures des XVIIe et XVIIIe siècles], Paris, Musée du Louvre éditions/Hazan, 2007, p. 601-603, ill. coul.
- Orangerie, 1934 : les "peintres de la réalité" : avec la réimpression en fac-similé du catalogue de l’exposition de 1934 par Paul Jamot et Charles Sterling, cat. exp. (Paris, musée de l'Orangerie, 22 novembre 2006 - 5 mars 2007), Paris, Musée de l'Orangerie, 2006,
- Rosenberg, Pierre, Tout l'oeuvre peint des Le Nain, Les Classiques de l'Art, Paris, Flammarion, 1993, p. 82, 116, Pl. XXXIV, p. 82 (n&b), n° 40
- Compin, Isabelle ; Roquebert, Anne, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du Louvre et du musée d'Orsay. IV. Ecole française, L-Z, Paris, R.M.N., 1986, p. 48, ill. n&b
- Compin, Isabelle ; Reynaud, Nicole ; Rosenberg, Pierre, Musée du Louvre. Catalogue illustré des peintures. Ecole française. XVIIe et XVIIIe siècles : I, A-L, Paris, Musées nationaux, 1974, p. 225, 283, fig. 482, n° 482
- Compin, Isabelle ; Reynaud, Nicole, Catalogue des peintures du musée du Louvre. I, Ecole française, Paris, R.M.N., 1972, p. 238
- Brière, Gaston, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. I.Ecole française, Paris, Musées nationaux, 1924, p. 160, n° 548
- The Brothers Le Nain. Painters of seventeenth-century France, cat. exp. (Fort Worth, Kimbell Art Museum, 22/05-11/09/2016 / San Francisco, Fine Arts Museums, 08/10/2016-29/01/2017), San Francisco / New Haven, Fine Arts Museums / Yale University Press, 2016, x, xiii, 19, 27, 31, 45, 52, 59, 61, 66, 70-73, 83, 100, 156, 160, 168, 200, 252-255, 256, 264, 266, 272, 276, 278, 288, 302, 314, 326, 354, 375, 380, 389, p. 58 (détail), Fig. 41 (détail), Fig. 42 (détail), Fig. 43 (détail), p. 253 (coul.), Fig. 73 (
Expositions
- L'argent dans l’art, Paris (Externe, France), Musée de la Monnaie, 30/03/2023 - 24/09/2023
- Les frères Le Nain, Louvre-Lens, Salles d'expositions temporaires, 22/03/2017 - 26/06/2017, étape d'une exposition itinérante
- La fabrique des saintes images. Rome-Paris. 1580-1660, Napoléon, Exposition Temporaire sous pyramide, 30/03/2015 - 29/06/2015
- Orangerie 1934 : les peintres de la réalité, Paris (France), Musée de l'Orangerie, 21/11/2006 - 05/03/2007
- Le dieu caché, Rome (Externe, Italie), Villa Médicis (Académie de France), 18/10/2000 - 28/01/2001
- Paysages, paysans, Paris (France), Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, 15/02/1994 - 15/05/1994
- Dieu en son royaume : la Bible dans la France d'autrefois, Paris (France), Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, 15/10/1991 - 15/01/1992
Dernière mise à jour le 16.10.2023
Le contenu de cette notice ne reflète pas nécessairement le dernier état des connaissances
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